Il est parfois trop tard pour bien faire

« Une surveillance presque parfaite », c’est ainsi qu’est dénoncée une entreprise d’espionnage technologique de masse qui n’a pas cette fois-ci les autorités chinoises pour auteur. Le Wall Street Journal a révélé comment le gouvernement américain suivait à la trace et à grande échelle ses concitoyens, en dehors de tout contrôle et au prétexte de lutter contre l’immigration clandestine.

Le mécanisme est simple et avait fait l’objet dès 2014 d’une étude de la CNIL et de l’INRIA, qui avait déchargé les opérateurs de téléphonie mobile, coupables tout trouvés, de toute responsabilité pour incriminer de nombreuses applications des smartphones et à tout seigneur tout honneur Google.

Par ces biais, des informations détaillées sur votre localisation sont automatiquement transmises, bien que celle-ci ne soit pas nécessaire à leur bon fonctionnement. Des sociétés spécialisées dans leur collecte les stockent, les analysent et les commercialisent auprès des annonceurs. À l’arrivée, tous les possesseurs de smartphones sont, sans le savoir et même en ayant cru s’en être protégés, munis d’un dispositif permettant de les localiser en permanence. Très peu d’utilisateurs de smartphone prennent toutes les précautions disponibles, qui de toute façon n’épuisent pas les ruses permettant de les localiser. La notion de consentement donné ou refusé à la transmission de sa localisation est alors contournée par des dispositifs sournois.

Ces sociétés commerciales prétendent respecter l’anonymat des données, mais c’est en réalité un jeu d’enfant d’identifier leurs auteurs en analysant les données et en procédant par recoupements, comme une enquête du New York Times en a rendu compte. Et, dans le monde entier, un marché florissant s’est développé en toute légalité, sans que cette pratique ne soit réglementée par les autorités fédérales américaines dans ce cas. Tout au contraire, l’administration Trump a acheté un accès à une telle base de données commerciale pour les besoins revendiqués du service des douanes et de la protection des frontières.

La morale de cette histoire n’est pas difficile à formuler : une fois déployée à une telle échelle, une technologie de surveillance est imparable. Dans le cas présent, il faudrait en revenir aux téléphones mobiles de papa et se priver de nombreux services auxquels nous sommes accoutumés. De fait, nous vivons déjà dans une société de surveillance qui bénéficie de notre participation involontaire et de notre laissez-faire. Les parades technologiques étant illusoires, seules des lois pourraient nous protéger de cette atteinte à notre vie privée, ce rempart à notre liberté. Mais le malheur veut que ceux qui pourraient les promulguer n’en voient pas l’intérêt…

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